Ce matin, nos tongs resteront en bas de l’escalier. Nous enfilons des chaussures de marche pour partir à la découverte du parc national de Kep qui se trouve à quelques mètres du Tara Lodge, la guesthouse où nous logeons depuis hier. Un premier panneau « National Park » nous indique le chemin à suivre. Nous passons devant un hôtel et quelques habitations avant d’arriver dans une prairie d’herbes folles. Nous hésitons à continuer, car nous avons l’impression d’être sur un terrain privé. Une vieille cabane en bois est ouverte, et quelques ustensiles sont éparpillés sur le sol. Un peu plus loin, on entend un chien aboyer, signe que peut-être on n’a rien à faire ici. Nous contournons l’ensemble et suivons un petit sentier pour voir jusqu’où il peut nous mener. En file indienne, nous regardons bien où nous mettons les pieds. (Ce serait dommage de piétiner un serpent endormi.)
Le terrain devient pentu, mais nous ne sortons pas du sentier qui nous conduit finalement à un beau chemin forestier où peuvent circuler des voitures et des motos. La promenade est bien balisée, et des petits panneaux en bois indiquent les directions à prendre pour explorer les différents sites disséminés dans le parc. De là-haut, la vue sur la mer est imprenable. Dommage que les îles soient peu visibles à cause de la brume. Un panneau nous apprend que nous sommes dans la zone des écureuils. D’ailleurs, nous ne tardons pas à en apercevoir un, mais il est difficilement visible, tant il est petit et vif.
Plus loin, en lisière de forêt, un singe nous observe en haut de son arbre – j’imagine que c’est un macaque, mais je n’en suis pas sûre. Thierry s’arrête pour lui parler doucement. Le macaque bouge, change de place, mais reste calme tout en ayant l’air réceptif. Je m’écarte un peu au cas où l’animal déciderait de venir nous dire bonjour, d’autant plus que nous sommes sous son arbre garde-manger, un grand jacquier qui semble déjà dépourvu de ses fruits.
Quelques centaines de mètres après, des pancartes en bois nous offrent le choix de plusieurs sentiers de randonnée. Après concertation, nous empruntons un chemin escarpé en pleine forêt. La montée est un peu raide, mais sans danger, et des balises jaunes nous servent de repères, ce qui est plutôt rassurant, car le parc national fait quand même 30 km2 (environ). A plusieurs reprises, nous faisons des petites haltes pour apprécier les différents points de vue sur la campagne et la mer.
Quel plaisir de nous retrouver dans cette jungle aux lianes immenses ! Et puis ces odeurs de plantes qui viennent nous flatter les sens, quel bonheur ! Sur le sol mouillé, des lombrics se tortillent curieusement au milieu des feuilles séchées. Autour d’eux, des fourmis géantes se sont rassemblées et semblent leur « faire la peau ». La loi de la jungle. La terre est humide, il m’arrive de glisser mais je me rattrape toujours aux arbres qui encadrent le sentier. Parfois, dans les descentes, Thierry préfère me précéder. Il est mieux équipé que moi, avec ses grandes jambes et ses chaussures de randonnée. Je le laisse partir loin devant, tandis que je prends mon temps, place mes pieds là où il faut, attrape une liane, pose une main sur un rocher. Je fais de mon mieux et ne suis pas mécontente de ma performance.
Ça fait plus de deux heures que nous marchons, et nous sommes encore loin de la pagode Samathy. Je pense à Théophile qui bûche sur son français. J’espère qu’il ne s’inquiète pas. Je talonne de quelques mètres Thierry qui s’est arrêté un peu plus loin. Soudain, entre deux arbres, je croise le regard d’un drôle d’animal. C’est un lézard ? un iguane ? un dragon ? un dinosaure ? J’appelle Thierry qui n’en croit pas ses yeux. Nous voilà en train de photographier notre découverte sous toutes les coutures. Nous suivons maintenant un petit ruisseau. Je commence à avoir mal aux jambes, et il fait chaud et humide. Heureusement, j’aperçois le toit d’un temple… On y est presque !
Nous avons rejoint le bitume… et au loin, nous apercevons la mer. Voilà, trois heures que nous marchons. Nous ne savons pas du tout où nous avons atterri. Nous cherchons un tuk tuk pour nous ramener à la guesthouse. Le soleil est terrible, mon visage ruisselle sous mon chapeau. Après environ deux kilomètres, nous arrivons muets d’épuisement devant le commissariat de police. En face, nous apercevons un tuk tuk garé devant une gargotte. Nous traversons la rue et demandons où se trouve le chauffeur. Les clients du restaurant nous désignent un homme de dos, manifestement en train de déjeuner. Il se retourne, et ô surprise, c’est un chauffeur de tuk tuk avec qui nous avons discuté longtemps hier. C’est amusant de se retrouver ici, dans ce petit café local où des hommes jouent aux échecs en terrasse, et où la patronne sert de grandes théières de thé glacé. D’après Jondee, notre taximan, nous aurions marché plus de 12 kilomètres. « Ça use, ça use » comme dit la chanson… mais qu’est-ce qu’on est heureux de l’avoir fait !