Le jour s’est levé sur la pagode Mahamuni, le soleil absorbe les derniers voiles de brume qui se dissipent dans la fraîcheur du matin. Lorsque nous descendons de voiture, les fidèles sont déjà très nombreux devant l’entrée de la pagode. Certaines femmes sont très élégantes, et je me demande ce qu’elle pense de ma tenue « spécial confort » sweat et legging. J’ai un peu honte, je l’avoue, tant elles sont joliment apprêtées et coiffées.

Thierry et moi suivons notre chauffeur – qui est aussi notre guide depuis deux jours. Il se faufile entre les femmes et les hommes venus se recueillir devant la statue de Bouddha (vieille de 2 500 ans d’après certains guides). Je me fais toute petite parmi la foule et m’assois sur le grand tapis avec les femmes birmanes que je regarde prier. Devant nous, un écran de télé montre des hommes en train d’appliquer des feuilles d’or sur le Bouddha devenu « difforme ». Depuis notre arrivée, un homme délivre au micro des messages aux pèlerins, les encourageant à faire des dons d’argent. L’ambiance est si particulière que j’ai l’impression d’être dans un rêve étrange. Et si j’allais me réveiller ?
D’après mes lectures, ce Bouddha aurait été pris par l’armée du roi Bodawpaya du royaume d’Arakan (près de la frontière de l’actuel Bangladesh), comme trophée de guerre en 1784. D’abord abritée dans l’ancienne capitale royale Amarapura, la statue aurait ensuite été déplacée à Mandalay, alors nouvelle capitale royale en 1860. Actuellement, elle est constituée de 6,5 tonnes de bronze et de 3 tonnes d’or. Son visage est nettoyé tous les matins, à 4 h, par les moines qui considèrent qu’elle est vivante. Seuls les hommes ont le droit de déposer une feuille d’or, les femmes doivent rester à l’écart… 

Des moines prient avec ferveur. La pagode Maha Muni est un site très fréquenté et vénéré par les Birmans.
Dans le temple, nous assistons à une cérémonie. Il semblerait que ce soit les membres d’une même famille. Les petites filles sont aussi maquillées que leurs aînées. Elles portent toutes des robes de fée ou de princesse d’un rose dragée. Elles sont suivies par les garçons également maquillés et habillés du même rose. Ils paraissent tout droit sortis d’un livre de contes… ou d’un carnaval ?




A l’extérieur, nous admirons les détails finement sculptés du toit et au dessus des arcades. Une grande cloche trône au milieu de la cour, c’est l’occasion pour moi de donner mes trois coups de bâtons : ça défoule en fait !



Un peu plus loin se trouvent plusieurs anciennes statues khmères en bronze.
Je lis sur un grand panneau qu’elles proviennent d’Angkor Vat au Cambodge. Elles sont passées de mains royales en mains royales, avant d’être rapportées à Amarapura en 1857.
Des trente statues rapportées du Siam par le roi birman Bayinnaung, il n’en reste actuellement que six. Elles attirent beaucoup de Birmans, car elles posséderaient des pouvoirs de guérison.







A 5h du matin, nous montons en voiture, les yeux tout embués de sommeil. Il fait une nuit d’encre, et Mandalay dort encore. Notre taximan semble un peu plus ébouriffé que la veille, mais garde le sourire. La nuit a été courte pour tout le monde. Nous prenons la direction de Sagaing, une ville située sur la rive occidentale du fleuve Irrawaddy, à une vingtaine de kilomètres. Je pense à Théophile qui a préféré rester au lit, ce que je peux comprendre. Ce n’est pas facile de persuader son ado de se lever à 4h30 pour assister au lever du soleil tout en haut d’une colline. Thierry et moi sommes encore un peu sonnés, mais au fur et à mesure que nous roulons, nos yeux s’agrandissent et s’habituent à la pénombre. Le taxi s’engage dans une rue montante et étroite. Je suppose qu’il s’agit de la colline de Sagaing où est perchée la fameuse pagode Soon Oo Ponya Shin. La route devient sinueuse, et notre chauffeur klaxonne à chaque virage pour prévenir de son arrivée. Au début, je me disais que cela ne servait pas à grand chose de donner de pareils coups de klaxon en pleine nuit, mais j’ai vite changé d’avis quand j’ai vu tous ces petits moines (des enfants) marcher en file indienne sur le bord de la route. Tous prennent la même direction, probablement le chemin vers le réfectoire de la pagode Soon Oo Ponya Shin pour leur premier repas de la journée. Sagaing est reconnue comme étant l’un des centres religieux les plus importants du pays.
Tout en haut de la colline, nous suivons les quelques pèlerins qui comme nous sont venus assister au lever du soleil. Il fait frais et, là-haut, le vent est glacial. Notre chauffeur qui ne porte qu’un tee-shirt est pétrifié de froid. Sur la terrasse de la pagode, il fait quelques exercices pour se réchauffer. J’aime beaucoup la bonne humeur ambiante et l’atmosphère qui se dégage des lieux.
Dans la nuit, le dôme tout doré prend une autre dimension. C’est magnifique.
Comme nous sommes en avance, j’en profite pour aller voir les tableaux qui ornent les murs de la pagode. Et puis il fait un peu plus chaud à l’intérieur !
Il est 6 h15 et le soleil est resté couché. Notre taximan consulte toutes les 5 minutes sa montre d’un air soucieux. Malgré le fait qu’il parle très peu l’anglais, nous arrivons à communiquer. Nous sentons qu’il fait tout pour nous être agréable et, lorsqu’il nous voit ébahis sur les sites magnifiques où il nous emmène, nous sentons une immense fierté dans ses yeux.

Nous ne sommes pas les seuls à profiter de la beauté de l’instant. Sur les visages, on lit de la joie d’être là. Tout le monde applaudit… L’effort en valait la peine, nous sommes largement récompensés par la très belle vue sur le fleuve et les collines.
Alors que le jour pointe, un groupe de femmes birmanes vient vers moi pour immortaliser ce moment. Toutes veulent être prises en photos avec moi… et ça n’en finit pas, au moins 5 ou 6 personnes à tour de rôle. Et puis vient le tour des familles avec enfant(s) pour la photo souvenir ! Il suffit de sourire et les gens viennent naturellement à vous. Et quelle gentillesse, vous donnez un sourire, vous en recevez 100 !


Nous quittons la pagode et remontons vite en voiture. Les rayons du soleil sont encore trop faibles pour nous réchauffer. Sur la route qui relie Sagaing à Mandalay, nous passons sur un superbe pont en métal : le pont d’Ava qui emjambe le fleuve Irrawaddy. Constitué de 16 travées, il a été construit par les Britanniques en 1934. Au loin, nous en apercevons un deuxième qui semble identique.





Nous quittons l’hôtel vers 17H15 pour prendre la direction d’Amarapura, une ville qui connut son heure de gloire en 1841, lorsqu’elle devint la capitale de la Birmanie sous le règne de Tharrawaddy (8ème roi birman). Quelques années plus tard, son successeur, le roi Mindon, décida de construire une nouvelle capitale, Mandalay, et abandonna complètement Amarapura. Il fit démonter le palais royal d’Inwa pour le transférer à dos d’éléphant à Mandalay, laissant sur place d’énormes colonnes en teck.

Le pont composé de 1 086 poutres en teck mène à l’autre rive, notamment au temple Kyauktawgyi. Les habitants et les moines peuvent aisément s’y rendre même pendant la mousson, lorsque les pluies viennent gonfler les eaux du lac. 
Vu d’en bas, je me dis qu’avec mon vertige jamais je ne pourrai le traverser jusqu’au bout. C’est donc les jambes tremblotantes que je monte les marches pour accéder au pont. Là-haut, les planches vibrent chaque fois qu’une personne nous croisent. Très déstabilisant cette histoire, d’autant plus qu’il y a beaucoup de touristes mélangés aux locaux qu’il va falloir croiser et il n’y a pas de garde corps ! Devant ma peur, notre taximan/guide est « mort de rire » et pour me taquiner, il se met à sauter sur les planches branlantes de la passerelle. Waouh !!! Sensation extrême !!! J’essaie de me raisonner en me disant que si des centaines de personnes le franchissent chaque jour sans problème, alors pourquoi ça se passerait mal pour moi ? J’accroche le bras de Thierry et nous faisons nos premiers mètres. Je résiste à la peur, mais je transpire au creux des mains. C’est terrible le vertige… ça paralyse tout le corps ! Thierry me dit de regarder droit devant moi et d’arrêter de regarder en bas (c’est haut). Je décide de suivre ses conseils et lâche son bras. Je marche en faisant attention de bien rester au centre de la passerelle. Je laisse le plaisir aux autres de me contourner… Je poursuis une ligne droite invisible, la tête bien haute. Thierry discute loin derrière avec notre guide. Je commence à me détendre et même à me rapprocher du bord mais pas trop… puis j’accélère la cadence. Je me rends compte que le malaise a disparu. Je traverse le pont comme si je le faisais tous les jours… Le soleil se couche, c’est beau… et j’ai vaincu une angoisse. C’est un merveilleux moment pour moi. Je n’ai plus le vertige, je souris tellement je suis heureuse d’être là. J’ai même envie de rire. C’est si simple parfois de surpasser ses peurs. Je suis fière de moi… Il fait nuit. Je suis arrivée sur l’autre rive, 1200 mètres de « même pas peur ».








La colline de Mandalay (Mandalay Hill) culmine à 240 mètres au nord-est de Mandalay. A son sommet se trouve la pagode Sutaungpyei qui offre, depuis sa grande terrasse extérieure, une vue panoramique sur toute la ville. C’est notre première ascension depuis notre arrivée. Nous savons qu’il y en aura d’autres, car le Myanmar est un pays de collines et de montagnes. 
De la plate-forme, nous avons une jolie vue sur les toits et les pagodes de Mandalay. Contrairement à la plupart des grandes villes d’Asie, nous sommes heureux de constater que la ville est relativement boisée.






L’atmosphère dans le temple est « bon enfant ». La jeunesse birmane est décontractée, tout comme les jeunes moines qui semblent adeptes du selfie.



Les rues sont joyeusement animées et sont pour nous des pointes de fraîcheur. Les pick-up Nissan (taxis locaux) sont littéralement pris d’assaut par des hommes en longyi (tissu traditionnel à petits carreaux). Ceux-ci s’accrochent à l’arrière du véhicule, tandis que les femmes patientent sagement à l’intérieur, serrées comme des sardines. 




Et alors que nous nous apprêtons à le traverser, un homme (un taximan) nous dit que nous nous sommes trompés d’entrée (ouest), et qu’il peut nous emmener à l’entrée principale (est). Je suis sceptique et décide d’aller voir de plus près, car des voitures et des motos s’engagent sur le pont et entrent bel et bien à l’intérieur de la forteresse. Mais l’entrée est gardée par un militaire qui nous demande de faire demi-tour. L’entrée ouest est interdite aux touristes… Eh bien, on peut dire que ça commence bien ! Théophile râle parce qu’il va falloir marcher jusqu’à l’autre entrée, carrément (c’est le cas de le dire) à l’opposé. La chance semble nous sourire lorsque nous apercevons un pick up-Nissan pratiquement vide. L’homme chargé de faire le rabatteur nous invite à monter. On lui demande combien coûte la course jusqu’à l’entrée principale du palais. Il nous prend 1000 kyats par personne, ce que nous acceptons sans discuter. A voir la tête que fait Théophile, Thierry et moi sommes amusés. C’est vrai qu’on a l’impression d’être un peu du bétail et le banc sur lequel nous sommes assis n’est pas du tout confortable. A côté de nous, le rabatteur birman se met à chanter… Théophile, exaspéré, lève les yeux aux ciel, tandis que Thierry et moi décidons de lui chanter « Petit Papa Noël » en français. Le Birman, surpris, nous écoute et semble content… S’il savait ! 



Construit entre 1857 et 1859, le Palais Royal de Mandalay était la résidence royale des deux derniers rois birmans, Mindon et Thibaw. Situé en plein cœur de la ville, il me fait penser à une « cité interdite » de quatre kilomètres carré, entourée de murailles en briques de 9 mètres de haut et de douves encadrant un large canal aux eaux vertes. Le Palais a été construit au pied de Mandalay Hill (la colline de Mandalay) en juin 1857 avec le bois du palais royal d’Amarapura (ancienne capitale du royaume birman située près du pont U Bein) qui a été entièrement démonté. Les matériaux ont été transportés, à l’époque, à dos d’éléphants.
Devant l’entrée, les touristes doivent acheter un ticket à la guérite (10 euros/personne). C’est un pass qui permet de visiter sous 5 jours d’autres sites touristiques autour de Mandalay. Nous franchissons enfin les murailles, certaines zones sont interdites aux touristes. Nous nous dirigeons donc directement vers le Palais, c’est tout droit ! 



Le Palais Royal a été détruit pendant la Seconde Guerre mondiale par les Japonais. Ce que nous visitons aujourd’hui n’est donc qu’une reconstruction des lieux.



















Après la tour, nous partons visiter le musée, quand soudain nous faisons une jolie rencontre : une petite poupée tout de rose vêtue…



Plus loin, dans les jardins, un couple de jeunes mariés prend la pose devant un photographe professionnel. Les jeunes Birmans sont élégamment vêtus, la jeune femme ressemble à une princesse d’un autre temps.


