
Le Français ? Une langue animale…

« Myope comme◡une Taupe », « rusé comme◡un Renard » (1), « serrés comme des Sardines »… Les termes empruntés au monde animal ne se retrouvent pas seulement dans les Fables de La Fontaine, ils sont partout.
(1) rusé [ryze] : malin, futé.
La preuve : que vous soyez fier comme◡un Coq, fort comme◡un Bœuf, têtu comme◡un◡Âne, malin comme◡un Singe ou simplement un chaud Lapin (2), vous◡êtes tous, un jour◡ou l’autre, devenu Chèvre (3) pour◡une Caille aux◡yeux de Biche.
(2) Un chaud lapin [ʃo la.pɛ̃] : homme très porté sur le sexe
(3) Devenir chèvre : énerver quelqu’un jusqu’à le faire enrager
Vous◡arrivez à votre premier rendez-vous fier comme◡un Paon et frais comme◡un Gardon et là, … pas◡un Chat ! Vous faites le pied de Grue, vous demandant si cette Bécasse vous◡a réellement posé un Lapin.

Il◡y a Anguille sous roche et pourtant le Bouc◡émissaire (4) qui vous◡a obtenu ce rancard, la tête de Linotte (5) avec qui vous◡êtes copain comme Cochon, vous l’a certifié : cette Poule a du Chien (6), une vraie Panthère ! C’est sûr, vous serez un Crapaud mort d’amour. Mais tout de même, elle vous traite comme◡un Chien (7).
Bouc émissaire (4) : individu, groupe ou organisation qui est choisi pour endosser une responsabilité ou expier une faute pour laquelle il est, totalement ou partiellement, innocent.
Tête de linotte (5) : personne distraite, « dans la lune ».
Avoir du chien (6) : femme fascinante avec beaucoup de charme
Traiter quelqu’un comme un chien (7) : se comporter avec quelqu’un de manière grossière et irrespectueuse.
Vous◡êtes prêt à gueuler comme◡un Putois quand finalement la fine Mouche arrive. Bon, vous vous dites que dix minutes de retard, il n’y a pas de quoi casser trois pattes à un Canard. Sauf que la fameuse Souris, malgré son cou de Cygne et sa crinière de Lion est◡en fait aussi plate qu’une Limande, myope comme◡une Taupe, elle souffle comme◡un Phoque et rit comme une◡Baleine. Une vraie peau de Vache, quoi ! Et vous, vous◡êtes fait comme◡un Rat (7).
Être fait comme un rat (7) [ɛ.tʁə fɛ kɔ.m‿œ̃ ʁa] : être pris au piège

Vous roulez des◡yeux de Merlan frit, vous◡êtes rouge comme◡une Ecrevisse, mais vous restez muet comme◡une Carpe. Elle essaie bien de vous tirer les vers du nez, mais vous sautez du Coq◡à l’Âne et finissez par noyer le Poisson (8). Vous◡avez le Cafard, l’envie vous prend de pleurer comme◡un Veau (ou de verser des larmes de Crocodile, c’est selon). Vous finissez par prendre le Taureau par les cornes et vous◡inventer une fièvre de Cheval qui vous permet de filer comme◡un Lièvre.
Noyer le poisson [nwa.je lə pwa.sɔ̃] (8) : éviter une conversation difficile ou un sujet tabou.
Ce n’est pas que vous◡êtes une Poule mouillée, vous ne voulez pas être le Dindon de la farce (9). Vous◡avez beau être doux comme◡un Agneau sous vos◡airs d’Ours mal léché, il ne faut pas vous prendre pour◡un Pigeon car vous pourriez devenir le Loup dans la bergerie.
Le dindon de la farce [dɛ̃.dɔ̃ də la faʁs] (9) : le perdant, celui qui s’est fait duper.

Et puis, ça aurait servi à quoi de se regarder comme des Chiens de faïence. Après tout, revenons à nos Moutons : vous◡avez maintenant une faim de Loup, l’envie de dormir comme◡un Loir et surtout vous◡avez d’autres chats à fouetter.
Texte de Jean d’Ormesson (1925 – 2017) écrivain, chroniqueur, journaliste, acteur et philosophe français, membre de l’Académie française.